Je rentre à la maison émotive, légère et épuisée, la tête planante de cette aventure de début de vie que je viens de vivre en compagnie d’une femme et d’un homme merveilleux, qui ont, en milieu d’après-midi, mis au monde leur premier enfant. Ceux qui ont eu la chance de les croiser et de les observer avec un œil attentif et bienveillant au cours des riches dernières 36 heures, savent combien ils sont beaux.
Repassent dans ma tête des dizaines de moments, du plus simple au plus grand. Un fou rire de 3 heures du matin avec une femme qui apprivoise la force de l’accouchement pour la première fois, un regard confiant et émotif échangé avec un homme qui assiste à la force tranquille de la femme qu’il aime sur le point de donner la vie, un contenant de beurre d’arachide dévoré à la cuillère, par intermittence, entre trois contractions qui requiert maintenant leur pose, le regard terrorisé d’une mère qui voit le fils qu’elle vient tout juste de mettre au monde, partir sans avoir encore pris son premier souffle, dans les bras d’une infirmière… puis cet autre, émerveillé, qui le dévore amoureusement, lorsqu’enfin de retour, on le dépose sur sa peau.
Je suis accompagnante à la naissance. Il s’agit d’un nouvel épisode de ma vie, bien qu’il découle naturellement du reste. Avant, j’existais ailleurs que dans un couloir d’hôpital à 5 heures du matin. Il m’est arrivé d’être sur une chaise de maquillage d’un plateau de tournage, d’allaiter mes enfants encore tout petits ou mieux encore… de les mettre au monde. Qu’importe. Je suis maintenant accompagnante à la naissance. Par choix. Et par besoin. Pas celui qui fait que l’on paie l’épicerie. Plutôt cet autre, qui nourrit l’âme, plus que le corps.
Mon travail d’accompagnante en est un de temps, de présence et de patience. Nous qui vivons dans un monde de contrôle et de performance, j’aime bien nous rappeler que la vie prend son temps. Qu’elle a son rythme à elle. Et ses raisons. Avoir en haute estime la force brute d’une naissance apparaît suspect à l’ère où les accouchements naturels ne nécessitant aucune intervention font figure d’exception. Pourtant, quel beau voyage humain ! Tout y est. En condensé. Notre force et nos faiblesses. Notre confiance et nos peurs. Mon travail d’accompagnante en est un de choix. Nous avons généralement le choix, même en accouchant… l’humain se sent plus libre quand il choisit.
Je ne suis ni fleur bleue ni militante. Je ne suis ni médecin, ni infirmière, ni sage-femme. Je suis accompagnante à la naissance. Par gourmandise de la vie et par amour de l’humain. J’aime m’asseoir dans le salon d’un couple qui attend un enfant, et y revenir, au fil du ventre qui s’arrondit… j’aime les aider à se préparer à cet événement qu’ils veulent heureux et à leur image. J’aime savoir que, le jour venu, malgré l’excitation et les craintes, malgré la grandeur du moment et l’inconnu déroutant, ils comprendront mieux ce qu’ils vivront et seront en mesure d’en être les acteurs plutôt que les spectateurs.
Et par-dessus tout, j’aime les fous rires de 3 heures du matin avec une femme qui apprivoise la force de l’accouchement. J’aime les regards confiants et émotifs échangés avec un homme qui assiste à la force tranquille de la femme qu’il aime, sur le point de donner la vie. J’aime voir une femme en travail dévorer à la cuillère un contenant de beurre d’arachide entre trois contractions… et lorsque son regard terrorisé de voir son fils partir dans les bras d’une infirmière sans avoir pris son premier souffle, cherche un point d’ancrage, j’aime être là, disponible pour lui dire «qu’il s’en vient. Qu’il avait juste besoin d’un petit coup de pouce et qu’il revient. Qu’il est magnifique. Qu’il regardait déjà autour de lui et qu’il a de beaux grands pieds…»